Un vampire jaloux....

Les clients étaient venus en force ce soir-là : la salle était remplie et de nombreux vampires étaient accoudés sur le bar en train de siroter un verre de sang tranquillement.
Les discussions allaient bon train et Velkan n'avait guère le temps de trop s'attarder s'il voulait servir tout le monde. Son serveur lui avait faussé compagnie la veille et il se retrouvait seul face à une cohorte de vampires assoiffés, complètement débordé...

Quand il vit la porte s'ouvrir de nouveau sur des clients, Velkan soupira et se dirigea rapidement vers la petite salle derrière le comptoir.
Il détestait faire cela, mais cette fois-ci il y serait bien obligé. Il n'arrivait plus à gérer seul...

Yahal était debout devant un petit évier et nettoyait les verres sales. Très affairé à la tâche, il ne remarqua pas tout de suite son maître qui le rappela aussitôt à l’ordre :

« Yahal ! Viens en salle servir les clients ! »

Jamais, au grand jamais, Velkan ne se serait abaissé à faire servir son ange en salle, mais ce soir-là c’était trop différent et trop peuplé pour qu’il continue le service seul. Il avait besoin de l’aide de Yahal…

« Essuie-toi et dépêche-toi ! »

Puis il retourna aussitôt à son comptoir, légèrement énervé. Tout ce stress lui mettait un peu la pression et il n’aimait pas ça.
Il prépara rapidement un plateau avec quelques verres de sang dessus et dés que Yahal apparut, il le lui mit d’autorité dans les mains et lui ordonna d’aller les servir en salle.
Pendant ce temps, lui s’occuperait du comptoir….

Yahal aimait bien venir travailler avec son maître dans le bar. Au moins, ici, il pouvait rester seul quelques instants et être au calme, même s'il travaillait d'arrache pied, son esprit lui se reposait. Il n'avait pas besoin de mesurer chacun de ses gestes, chacun de ses mots pour éviter le courrou de son maître. Là, il lui suffisait de bien travailler et généralement tout se passait bien.

Aujourd'hui, il entendait le bruit qu'il y avait dans la salle à côté, pendant, qu'il nettoyait de la vaisselle. Il devait y avoir un monde fou. Yahal avait entendu son maître se fachait hierquand un de ses serveurs étaient partis. S'il travaillait seul, il n'allait pas s'en sortir, et il passerait ensuite ses nerfs sur le pauvre Yahal. Mais celui-ci l'accepterait et ferait ce qu'il lui demanderait.

Yahal se réinstalla devant l'évier avec une nouvelle fournée de verre et commença à les netoyer consciensieusement. Il n'entendit pas la porte s'ouvrir ni son maître entrait. Il était trop plongé dans ses pensées et trop pris par son travail pour cela. Il sursauté d'ailleurs quand son maître lui parla.

"Oui, maître, j'arrive."

L'ange posa son torchon et passa par la porte qui venait de se refermer. Il aimait bien venir ici dans l'arrière salle. Mais aller servir les clients, ça il n'aimait pas. Pas du tout. A chaque fois, il y avait un client pour se montrer trop entreprenant et plusieurs mains baladeuses se faisaient sentir. Il n'avait jamais su si son maître était au courant.

Cependant, il n'eut pas longtemps à se poser de questions là dessus, car son maître lui mettait d'office dans les mains un plateau. Yahal avait une boule qui était en train de se former. Il se demandait ce qui allait lui arriver ce soir: trippotage, blague méchante ou autre chose?

Il s'avança dans la salle, se faufilant entre les vampires qui étaient forts nombreux ce soir, il sentit plusieurs fois des mains venir se balader sur ses fesses. Mais il fit comme si de rien n'était. Il ne voulait pas apporter des ennuis à son maître en se rebellant.

Yahal avait presque terminer de servir quand il arriva à sa dernière table. Il s'y trouvait trois vampires, il posa ses verre sur la table et s'appretait à repartir quand l'un des vampires le prit par la taille et le fit s'assoir sur ses genoux.

"Bonsoir petit ange, tu sais que tu sens bon?!
- M...merci, monsieur."

Yahal ne savait pas comment réagir. Les vampires s'esclafèrent à sa réponse et l'ange porta son regard vers le comptoir, mais un groupe de vampire se trouvait devant et il ne pouvait voir son maître. Il essaya de se dégager de l'étreinte du vampire mais celui-ci la ressera.

"- Reste là! J'ai envie de m'amuser un peu!"

Le vampire commença à passer sa main sous le tee-shirt de l'ange et à passer sa langue dans son cou.

"S'il vous plait, arretez, mon maître m'attend.
- Mais nous aussi, nous attendons."

Yahal commença à trembler. Il ne savait pas quoi faire, il voulait appeler son maître mais comment allait-il réagir s'il le voyait comme ça? Il essayait de se dégager mais le vampire le tenait fermement. L'un des autres vampires plaça une main sur sa cuisse et le dernier approcha son visage du sien...

[j'ai été inspirée...lol]

L’ange ne sembla pas particulièrement ravi d’aller servir en salle, mais qu’il se rassure, Velkan l’était tout autant que lui ! Il détestait envoyer Yahal au milieu des autres vampires…
Peut-être par excès de possessivité, peut-être par défaut de jalousie. En tout cas, il avait toujours veillé à ce que l’ange n’ait pas à aller en salle se frotter à d’autres suceurs de sang que lui, mais malheureusement il ne pouvait guère faire autrement aujourd’hui…
Si quelqu’un ne l’aidait pas, il ne s’en sortirait jamais !

Il lui posa donc le plateau de verres de sang dans les mains et lui indiqua d’un signe de tête autoritaire d’aller servir rapidement en salle.
Et si au début il le surveilla étroitement, veillant à ce qu’on ne touche pas à SA possession, les clients accoudés au comptoir lui demandèrent bientôt toute son attention et bon gré mal gré, il fut obligé de délaisser un peu Yahal pour pouvoir répondre aux demandes de ses clients.

Les verres de sang défilaient, faisant tourner la tête à certains vampires, les enivrant tout aussi sûrement que le vin pour les anges. Le sang était un fluide magique, qui à trop haute dose perturbait les vampires et les saoûlait. Généralement, les vampires savaient s’arrêter à temps, mais certains abusaient volontairement de la boisson et Velkan n’aimait jamais trop ce genre de clients.
Ils finissaient toujours par faire une bêtise à un moment ou à un autre…

Les clients affluaient, sans doute assoiffés à cause de la pleine lune qui survolait le ciel ce soir-là et Velkan servait.
Il ne remarqua pas tout de suite que son petit ange avait quelques soucis, trop absorbé par un client ivre qui réclamait du sang à foison et accaparait toute son attention. Si jamais l’individu se permettait un geste de trop, il entendrait parler de Velkan ! Le vampire détestait que l’on fasse des éclats dans son bar.

Mais son regard finit par rechercher naturellement son ange, légèrement inquiet de savoir si personne ne s’en prenait à sa chose…
Ses yeux se plissèrent quand il aperçut Yahal assis sur les genoux d’un vampire, apparemment sollicité par les trois vampires qui l’entouraient de manière bien hardie.
Peut-être par pure curiosité ou par perversion, Velkan attendit un peu de voir si Yahal saurait s’en sortir seul, restant sagement derrière son comptoir… Mais il réalisa au bout d’un moment que cet idiot d’ange n’était vraiment pas capable de s’assumer seul…
Il soupira en secouant la tête et délaissant pour un instant le comptoir, il se dirigea d’un pas lent dans la salle, droit vers les trois intrus qui osaient s’en prendre à son ange. Il détestait ce genre d’individu.
Il se figea devant la table, ignorant les regards suppliants de Yahal et gronda :

« Il me semble que vous allez un peu trop loin messieurs… »

Les trois vampires relevèrent leur visage vers lui en écarquillant les yeux.

« Cet ange m’appartient et j’ai horreur qu’on touche à mes affaires ! »

Les vampires ricanèrent et l’un d’eux répliqua insolemment :

« T’inquiéte, on veut pas te l’abîmer ! »

Velkan fronça les sourcils et attrapa violemment les bras de Yahal pour le tirer à lui. L’ange bondit hors des genoux du vampire et Velkan le ramena derrière lui comme pour le protéger.

« J’ai dit non… »

Furieux, l’un des vampires se leva et s’approcha de Velkan avant de le repousser en appuyant de ses deux mains sur sa poitrine :

« Tu cherches des ennuis ma parole ! On a dit qu’on te le laisserait en bon état, ça ne te suffit pas ? On veut juste s’amuser, on a bien le droit hein les gars ? »

Les autres acquiescèrent en riant grassement et quand l’un d’eux fit mine de s’approcher de Yahal, Velkan vit rouge et lui envoya son poing dans la figure.

« Bande de misérables ! Sortez d’ici ! »

Mais visiblement les autres ne l’entendaient pas ainsi et en voyant leur ami être repoussé violemment, ils se jetèrent sur Velkan, bien décidé à lui faire payer son geste…

A trois contre un, le combat n’était pas équitable…
Même si Velkan était plutôt fort et particulièrement énervé ce jour-là. Si ses clients excités au bar ne lui suffisaient pas, il fallait en plus qu’il en vienne aux mains avec trois brutes. Et c’était moins pour Yahal qu’il se battait que pour l’agressivité et la façon hargneuse et insolente que ces trois avaient pris pour lui parler. Il détestait qu’on le considère de haut, et cela depuis toujours.
Aussi ne comptait-il pas se laisser faire, et il eut largement le dessus au début, frappant de toutes ses forces sur les trois vampires peut-être trop sûrs de leur force. Ils devaient penser que leur nombre ferait leur victoire, mais ce raisonnement ne tenait pas lorsque l’on affrontait Velkan… Grand, mince et athlétique, il leur donna pas mal de fil à retordre…

Malheureusement, l’un des trois vampire le prit par surprise et le gérant du Sang pour Sang se reçut un mauvais coup à la tempe qui lui fit perdre la vue l’espace d’un instant, juste assez pour qu’ils en profitent et le coincent de manière à ce qu’il ne puisse même plus se défendre.
L’un des vampire le prit par les épaules et coinça ses bras en arrière, exposant Velkan aux coups qui ne tardèrent pas…
Incapable de se défendre et encore sonné par le coup reçu à la tempe, Velkan se reçu un nouveau coup qui lui fit éclater sa lèvre, le laissant lâcher son premier gémissement de douleur.

Puis une ombre passa et le vampire derrière lui le lâcha brusquement. La vue encore un peu défaillante, Velkan s’aida d’une chaise pour se relever et il jeta un regard ahuri sur la scène qui se passait sous ses yeux.
Yahal était en train de se battre avec les trois vampires, leur infligeant une sérieuse défaite !

Yahal était venu… le protéger…
Cela laissa Velkan complètement perplexe, hésitant s’il devait bien le prendre ou non. Mais les rires gras des clients derrière lui, qui se moquaient allègrement de sa faiblesse, arguant qu’il n’était qu’un faible qui avait besoin d’un angelot pour se défendre, lui donnèrent la chair de poule et il serra les poings de fureur…
L’ange était en train de ridiculiser son maître !!

« YAHAL !!! » cria soudain Velkan, maintenant remis du coup reçu à la tempe.

L’ange s’arrêta aussitôt et se tourna en tremblant vers lui, toute sa fureur disparue.
Velkan lui jeta un regard noir et profitant de la faiblesse des trois autres vampires, il vint d’abord s’occuper d’eux.
Il les attrapa par leurs cols et les traîna jusqu’à l’entrée où il les jeta au sol dans la rue assez violemment, sans même leur dire un mot. En tout cas, ils étaient prévenus : qu’ils ne reviennent plus au Sang pour Sang !
Leur départ arrêta les conversations ironiques et moqueuses et les vampires détournèrent leur attention sur leur verre de sang, oubliant ce qui venait de se passer…

Puis le vampire se tourna vers l’ange et, furieux et les yeux plissés, il vint le prendre violemment par le bras et l’attira jusqu’à l’arrière boutique, là où personne ne les entendrait.
Il le jeta brusquement au sol avec violence et gronda :

« Qu’est-ce qui t’as pris de faire ça ? Je passe pour quoi moi maintenant ?? »

Velkan était furieux : non seulement il s’était fait avoir par ces trois brute, se ridiculisant devant ses clients, mais en plus il était humilié d’avoir dû compter sur l’aide de son ange pour s’en sortir ! Pour un vampire comme lui, c’était vraiment un comble !

Et trop aveuglé par sa colère, il traîna Yahal jusque dans l’arrière-boutique et le jeta sans ménagement sur le sol, ressentant le besoin impérieux de se défouler sur quelque chose. Il avait besoin d’extérioriser toute cette humiliation en lui, les mots moqueurs de ses clients résonnant douloureusement en lui…
Il cria contre Yahal et ce dernier adopta aussitôt une position soumise, signe qu’il ne voulait absolument pas faire de vague… Et le petit ange, terrorisé, ne pu que s’excuser pour ce qu’il avait fait, ne se cherchant même pas d’excuses, tremblant de peur que son maître le punisse.

Velkan le toisa avec colère et devant les nouvelles excuses et demandes de pardon de Yahal, il s’énerva de plus belle. Mais qu’il arrête de s’excuser, ce n’était pas ce que voulait Velkan !!! D’ailleurs, il ne savait pas exactement ce qu’il attendait, tout était trop confus en lui…

Mais devant les excuses de Yahal, il poussa soudain une rugissement de colère et fondit sur le pauvre ange, l’empoigna par le col et leva sa main dans l’intention évidente de le frapper.

Mais sa main resta en l’air, alors que dans l’esprit confus de Velkan la scène dans son bar lui revenait en mémoire, troublante, désarçonnante…
Yahal qui se mettait devant lui comme pour le protéger, Yahal qui frappait le vampire qui lui faisait du mal, profitant de son ahurissement, Yahal qui se battait contre les trois brutes…
Les yeux de Velkan se troublèrent et il soupira : non il ne pouvait pas frapper l’ange. Pas après ça…

Il lâcha plus doucement son esclave et baissa sa main en fronçant les sourcils, mais énervé de ne pas vraiment comprendre ce qui lui prenait, il se retourna et frappa dans le premier objet venu en poussant un cri de rage.
Puis il respira un grand coup, le dos tourné à l’ange, et ferma les yeux quelques instants pour essayer de retrouver son calme.

« Reste ici pour la fin de la soirée. Je ne veux absolument plus te revoir en salle, c’est compris ? »

Et sans attendre, il se dirigea vers le bar, abandonnant Yahal au sol.

Velkan n’avait pas pu frapper Yahal.
Et il avait encore du mal à se l’expliquer clairement. D’habitude pourtant il ne se gênait pas pour corriger physiquement l’ange, se moquant totalement de savoir s’il lui faisait mal ou non. L’éducation toute entière de l’ange avait été basée sur ces corrections, alternant plaisir et douleur.
Mais là, cela lui avait impossible… Parce qu’au fond de lui, Velkan sentait que son geste n’aurait pas été très juste. Yahal l’avait protégé tout de même, et même si cela lui coûtait de l’avouer, Velkan lui devait une fière chandelle. Qui sait dans quel état ces trois brutes l’auraient mis ?

Le vampire retourna au comptoir, un peu fatigué de tout ce qui venait de se passer et continua à servir ses clients sans plus se préoccuper de rien. Repenser à l’ange lui faisait mal : il se sentait humilié et déçu quelque part…
Et depuis quand les anges venaient au secours des vampires ? Non c’était un scénario inimaginable, il y avait quelque chose qui n’allait pas…

Heureusement, quelques bons clients arrivèrent, d’anciens amis à Velkan et le vampire oublia vite tout ça pour se consacrer à eux. La soirée fut longue et assez fatiguante mais pour finir, Velkan arriva à satisfaire tous ses clients et à se débrouiller seul.
Le dernier client ne partit que vers 3h du matin, à la plus grande joie de Velkan qui n’en pouvait plus et il ferma son bar avec plaisir, pressé de prendre un peu de repos.

Il versa du sang dans un grand verre puis, Yahal lui revenant en mémoire, il sortit un autre verre et versa du lait dedans jusqu’au bord. Il en gardait toujours pour les anges qui accompagnaient parfois leurs maîtres vampiriques.
Puis, prenant les deux verres, il partit les poser sur une table en plein milieu du bar maintenant vide et s’assit à l’une des places avant de crier :

« Yahal ! Viens ici ! »

La soirée avait été excellente et la caisse était remplie, et malgré la petite incartade de son ange il y avait quelques heures, Velkan était de bonne humeur maintenant. Il aimait voir le Sang pour Sang rempli, le voir vivre comme il vivrait toujours… L’ambiance, même si elle avait été éreintante pour lui, l’avait quand même revitalisé et Velkan se sentait bien, en accord avec son statut de gérant du bar.
Le Sang pour Sang fonctionnait bien, il avait bien fait son travail et seul cela comptait.

Il prit un verre de sang et un autre de lait et les posa sur une table au centre du bar avant d’appeler sommairement Yahal qui était resté à la cuisine depuis l’incident avec les trois autres vampires.
Comme le petit ange docile qu’il était, il vint se mettre à genoux devant son maître, s’aplatissant sans doute pour chercher un quelconque pardon pour son attitude précédente.
Velkan le vit frissonner avec un petit sourire amusé avant de taper légèrement du pied par terre, histoire d’effraya davantage le petit ange inquiet.

Mais son jeu prit très vite fin et finalement, le vampire soupira et poussa le verre de lait vers la chaise en face de lui avant d’ordonner sèchement :

« Allez, viens t’asseoir sans faire d’histoires. Ce verre est pour toi… » crut-il bon de rajouter afin d’éviter de répondre à une question tardive de l’ange qui n’aurait pas manqué de venir.

Pour sa part, il attrapa son verre de sang et se mit à le siroter tranquillement, fixant son comptoir désormais vide avec une petite lueur de rêverie dans les yeux.
Et sa voix s’éleva après quelques minutes de silence, grave et étrange :

« Tu sais te battre… Où as-tu donc appris Yahal ? »

Yahal voyait le pied de son maître s'agitait; ce qui n'était jamais bon pour lui. L'ange se demandait à quelle sauce il allait être mangé, si son maître allait attendre leur retour à la maison ou s'il allait commençait ici ou bien encore combien de temps il allait lui falloir pour s'en remettre.

Yahal fut donc très étonné quand son maître lui ordonna de venir s'assoir et lui anonça que le verre de lait était pour lui. Il allait ouvrir la bouche pour redemander une fois si c'était vrai ce qui lui arrivait mais il se retint en voyant le regard de son maître. Il avait l'air bien alors pas besoin de le mettre en colère en lui posant une question inutile.

L'ange se leva doucement et alla s'assoir sur la chaise, il regarda le verre longuement avant d'oser le prendre dans ses mains, un tout petit sourire à peine visible apparut. Il ne voulait pas trop montrer sa joie, ne sachant comment son maître allait réagir. Cependant, il ne put la cacher dans le ton de sa voie.

"Merci beaucoup, maître..."

Yahal porta le verre à ses lèvres et en but une grande gorgée. Il fit tourner le liquide dans sa bouche, comme si c'était un grand cru puis il l'avala. Il s'essuya ensuite la bouche pour enlever les moustaches de lait qu'il s'était sûrement faite.
L'ange allait reprendre une gorgée quand son maître lui posa une question. Se battre?.... Oui, il savait...Mais il ne voulait pas se souvenir ni comment ni où ni avec qui il avait appris...Il savait que son maître allait être faché s'il le faisait. Ses mains se crispèrent sur ses genoux quand des souvenirs remontèrent en lui: un homme...en ange sûrement...se battait avec lui...il lui disait quelque chose...des conseils...Oui c'étaient des conseils...

"C'était ....avant....avant de vous connaître....maître....Je...j'ai appris ailleurs....avec un autre ange...."

Yahal parla d'une voie blanche, lointaine, comme s'il était encore perdu dans ses souvenirs. Il revivait certains de ces entraînements...il y avait une personne....chère à son coeur. Mais Yahal ne voulait pas se souvenir, cela faisait trop mal. Et s'il se souvenait il savait qu'il aurait mal aussi physiquement...son maître ne pourrait pas lui pardonner cela...

Yahal porta ses mains à ses oreilles, il entendait des choses qu'il ne voulait plus entendre. Il secoua la tête il ne voulait pas se souvenir...

"Maître...."

L’ange parru étonné par la proposition de son maître et Velkan faillit en ricaner : effectivement il était rare qu’il soit de si bonne humeur avec son esclave ! Mais une fois n’était pas coutume et puis il avait quand même une petite dette envers Yahal. Une mini, micro, insignifiante dette, mais il en avait une et le vampire n’en supportait même pas l’idée !
Il le laissa s’asseoir en face de lui et regarder son verre de l’ait comme s’il s’agissait du nectar des dieux, avant de le remercier chaudement et de porter le liquide blanc à sa bouche, le dégustant avec gourmandise.

Velkan eut un petit sourire amusé et fit tourner le sang dans son verre : il en fallait peu à ces stupides créatures ailées pour être heureuses décidément… Cela en était même pathétique, mais au moins il pouvait s’en servir comme moyen de pression sur eux et ce n’était finalement pas si inutile que cela.

Puis son esprit fut attiré par le souvenir de la bagarre de Yahal, et de la façon dont il avait réussi à envoyer au tapis trois vampires pourtant assez forts. L’ange avait des ressources cachées, mais c’était vrai que durant toutes ces années où il avait été à son service, Velkan ne s’était jamais préoccupé du passé de son esclave. Il lui avait même interdit de se souvenir pour éviter tout ennui et toute rébellion. Mais maintenant, la curiosité le piquait : où donc Yahal avait pu apprendre à se défendre ? Qu’était-il là-bas, au royaume des emplumés ? Etait-il un noble ou un simple citoyen ? Comment était-il arrivé ici ?

Ces questions ne lui avaient posé de problème auparavant mais maintenant, Velkan était curieux de savoir ce qu’avait pu être Yahal avant lui… Ce qu’il ne pourrait plus jamais être.
Une façon malsaine d’enfoncer le couteau dans la plaie, de bien montrer à l’ange qu’il n’était plus rien, que sa splendeur passée n’était qu’un bon souvenir nostalgique.

"C'était ....avant....avant de vous connaître....maître....Je...j'ai appris ailleurs....avec un autre ange...."

L’ange semblait perdu, mal à l’aise et bientôt, il secoua sa tête avec force, les mains sur ses oreilles comme pour chasser un mauvais génie. Sa voix faible l’appela, comme une bouée dans la tempête intérieure qui l’agitait et Velkan sourit : décidément il n’aurait jamais cru être capable de dresser aussi bien un ange… A croire que son ami Azazel avait déteint sur lui…

« Avec un autre ange… Ton père ? Ton frère ? Avais-tu de la famille Yahal ? Des gens qui t’aimaient ? »

Velkan se faisait sordide, sadique à l’extrême. Il avait toujours eu une façon étrange de rembourser ses dettes, et voir l’ange être torturé par ses souvenirs lui plaisait énormément.

Yahal était perdu. Velkan le savait et l’avait bien fait exprès. Toutes ces questions, ces souvenirs que le maître voulait faire ressurgir à la surface de cet esprit qu’il avait si bien brisé… Ce n’était pas bon pour l’ange, mais tellement jouissif comme spectacle pour Velkan.
Il avait d’étrange manières de récompenser ceux chez qui il avait une dette, mais c’était sa façon de voir les choses. D’une manière ou d’une autre, il ferait payer à Yahal son humiliation, mais ne pousserait pas la plaisanterie trop loin comme récompense.

Il regarda l’ange se trémousser sur sa chaise, ramener ses jambes contre lui dans une tentative un peu vaine d’échapper à son tourment intérieur et de se protéger contre ses souvenirs brûlants qui lui faisaient si mal.
Velkan aurait refusé qu’il se laisse aller à un peu de nostalgie en temps normal, mais si sa mémoire pouvait le faire souffrir, alors il ne comptait pas s’y opposer.
Il eut un mauvais sourire et apprécia le spectacle, avant d’écouter patiemment les paroles hésitantes de l’ange :

"J'avais un père, une mère et une femme...Et ils m'aimaient...tous autant qu'ils étaient...j'avais plein d'amis...d'excellents amis, de ceux qui donnent leur vie pour vous....mais...mais je...."

Intéressant. Comme toujours quand il s’agissait de Yahal.
Les larmes coulèrent sur les joues du pauvre petit ange torturé psychologiquement : toute une vie de perdue, cela devait faire mal. Velkan le savait également : n’était-ce pas ces maudits anges qui lui avaient pris son frère ? Qui avaient détruit leur vie, la sienne et celle de son frère ? Velkan n’aurait jamais aucune pitié envers ces êtres : ils lui avaient volé son frère bien-aimé, il leur volerait leur âme et leur dignité, tout ce qui faisait d’eux des êtres purs.

Il vit l’ange tenter de se relever maladroitement et retomber pitoyablement au sol, torturé psychologiquement, incapable de se raisonner et de faire face. Ses maigres suppliques ne firent ni chaud ni froid au vampire qui se contenta de porter le verre de sang à ses lèvres, avant de soupirer : le spectacle certes intéressant au début, devenait pathétique maintenant.
Il posa son verre et se releva avant de se diriger vers l’être secoué par les tremblements à terre, et il se pencha au-dessus de lui pour lui prendre le menton et relever son beau visage vers lui. Ses yeux plongèrent dans les prunelles troublées de Yahal et il déclara calmement :

« Tu es à moi. »

Pas besoin d’en dire plus : Yahal de toute façon n’était plus que cela. Un bel esclave qui finirait ses jours entre les mains de son maître. Un jouet patiemment dressé et remarquablement modelé afin de satisfaire son maître… Rien de plus. Il ne serait plus jamais rien.

Il sourit narquoisement et relâcha le menton de son esclave avant de se redresser et de jeter son regard sur la pièce vide. Ici il se sentait bien, il était chez lui…

« Assieds-toi sur cette chaise et cesse de faire le pitre. Je ne veux plus jamais entendre de pareille sornettes. Tous ceux qui t’aimaient sont morts. »

Puis il retourna s’asseoir à sa place et reprit son verre comme s’il ne s’était jamais rien passé….

" Et si ce n'est pas le cas, je les tuerai dans ton esprit..."

Voir Yahal réagir aussi violemment face à ses souvenirs était certes un spectacle divertissant pour Velkan, mais le vampire comprit bien vite que s’il ne voulait pas que son jouet se casse trop vite, il lui faudrait en prendre soin.
En quatre mots bien précis, il résuma la situation à l’ange, lui exposant sa propre vision des choses : Yahal était à lui, rien de plus. Cela devait lui suffire pour survivre. Il n’avait pas besoin de savoir autre chose, l’essentiel résidait dans ce fait inaltérable.
Maintenant qu’il lui appartenait, l’ange n’était plus rien : il était à lui…

Il le vit continuer à trembler et renverser une partie de son verre de lait sur la table mais n’y prêta aucune intention. Il n’allait pas non plus le prendre dans ses bras pour le calmer pendant qu’il y était ? Il avait déjà fait plus que de nécessaire…
Il sirota son verre de sang, ravi de constater qu’il avait toujours aussi bon goût : certes cela ne valait pas le sang de Yahal, mais il servait de la bonne qualité et il n’était pas étonné que ses clients soient chaque nuit un peu plus nombreux.

Il releva juste les yeux de son verre quand l’ange se permit la folle audace de lui demander la raison de son geste, et Velkan fronça les sourcils, soudain énervé. De quel droit un petit ange comme lui se permettait de tels propos envers son maître ?
Il expira un peu bruyamment pour montrer qu’il n’appréciait pas particulièrement et se contenta de répondre froidement :

« Remettrais-tu mes gestes en doute Yahal ? »


La menace était claire : l’ange avait intérêt à se taire rapidement s’il ne voulait pas une punition à la hauteur de son audace !

« J’ai horreur de ce genre de question stupide, tu le sais pourtant… » gronda-t-il une nouvelle fois…

Le vampire se mit à remuer un peu nerveusement le fond de sang qui restait dans son verre puis il décida de se montrer magnanime cette fois-ci et oublia aussitôt les propos de l’ange.
Il soupira et jeta de nouveau un coup d’œil d’ensemble sur le bar avant de murmurer :

« L’incident de ce soir n’est pas tout à fait la pub dont j’ai besoin pour remplir le Sang pour Sang… Cela fait désordre. »

Il leva les yeux vers le plafond, réfléchissant à toute allure, et déclara soudain :

« Il paraît qu’ils vendent d’excellents chiens de garde… Je devrais peut-être m’en procurer un, histoire de dissuader les futurs fauteurs de troubles. Je devrais le dresser évidemment, mais je suis sûr que tu sauras m’aider Yahal… Qu’en penses-tu ? »

La question était purement rhétorique et n’attendait peut-être pas de réponse. Peu importe que l’ange réponde ou non…

"Vous avez toujours de très bonnes idées, maitre...Et mon aide vous est offerte, maître."

Velkan ricana : quelle hypocrisie de la part de l’ange.
Mais après tout, si cela l’aidait à retrouver son calme, en jouant au parfait petit esclave, le vampire s’en moquait un peu. Avec ses questions, il avait réveillé de très mauvais souvenirs chez Yahal, mais encore l’ange devait-il en être heureux : Velkan n’avait pas poussé le jeu trop loin. Il aurait pu très bien faire hurler le petit ange de douleur et de remord mais il s’était contenté de s’arrêter avant que Yahal ne puisse plus refermer cette boîte de Pandore. Il s’était montré plutôt gentil de son point de vue…

Il finit rapidement son verre de sang : il était beaucoup trop tard pour espérer voir le marchand d’esclaves ouvert à cette heure-ci. Il serait obligé d’attendre le lendemain, ce que détestait Velkan. Quand il avait une idée, il aimait la réaliser tout de suite, de peur de perdre tout son intérêt.
Il soupira et repoussa son verre sur la table, se rendant compte avec satisfaction que Yahal avait fini le sien.

« Oui tu devras m’aider… Ils m’ont dit qu’ils avaient capturé quelques lycans dernièrement. C’est exactement ce dont j’ai besoin : une bête féroce qui calmera les plus dangereux. »

C’était un peu étonnant de sa part qu’il se confie autant à son esclave, mais bizarrement ce soir il avait envie de parler.

« Une bête qui je suis sûr sera vite charmé par ton charmant minois… » ricana-t-il en imaginant déjà la scène.

Puis il prit le verre de lait vide et se leva pour aller le remplir. Il imaginait déjà le regard étonné de Yahal mais s’en moquait. Une façon comme une autre de se faire pardonner pour ce qu’il lui avait imposé.
Et tant pis si son ange prenait ce geste pour un instant de faiblesse… Il saurait bien lui montrer en temps voulu qu’il était loin d’être faible !

"Un lycan, maitre?...Cela ne risque-t-il pas de faire fuire les clients?"

Velkan haussa un sourcil intrigué : à vrai dire il n’avait même pas réfléchi à cela. Un lycan bien dressé ne poserait sans doute pas de problème…
Mais que l’ange y ait pensé avant lui le surprit et il ricana tout en remplissant son verre de lait. Décidément Yahal le surprenait chaque jour, et son attitude totalement soumise qui suivit avait par contre des goûts de déjà vu.
Le vampire revint calmement à sa place et posa le verre de lait sur la table, ignorant totalement l’ange à genoux sur le sol dans une position de respect, et il s’assit à table, attendant patiemment que l’ange comprenne sa bêtise et se remette à sa place à son tour.

Il le vit se relever avec satisfaction et lui désigna son verre de lait du menton.

« Bois et arrête tes bêtises. »

Oui, ce soir Velkan n’était pas comme d’habitude… Peut-être était-ce dû à sa fatigue, il n’en savait trop rien lui-même. Il avait envie de discuter et Yahal était là au bon endroit au bon moment, c’était tout.

« Je dresserai le lycan et les clients n’en auront pas peur. Et tu auras la charge de veiller à ce qu’il ne fasse pas de bêtises. »

C’était une lourde tâche mais l’ange, avec sa nervosité habituelle, saurait faire face, Velkan en était certain. Qu’est-ce que Yahal ne ferait-il pas pour échapper à une punition… ? De ce côté-là, le vampire pouvait lui faire confiance.
Il s’appuya contre le dossier de sa chaise et déclara en soupirant :

« Je crois que je vais rester là ce soir, je n’ai pas le courage de rentrer à la maison. Tu iras vérifier si tout est prêt dans l’appartement du haut tout à l’heure… »

Velkan se sentait fatigué. Du moins il savait que le voyage jusqu’à la maison l’épuiserait encore plus et il n’avait pas envie de retrouver la grande bâtisse froide pour l’instant. D’autant plus que son frère ne serait pas là ce soir… Ou plutôt ce matin étant donné l’heure tardive.
Il soupira et s’inquiéta de savoir comment était l’appartement du haut : voilà longtemps qu’il n’y avait pas mis les pieds et il se demandait s’il pourrait y passer la nuit.

"Je...tout est déjà prêt maître...Je le vérifie tous les jours en arrivant...pour le cas où..."

Le vampire haussa un sourcil étonné puis se contenta de répondre par un vague ‘hn’ et reporta son attention sur le comptoir.
Yahal était surprenant dans ces petites attentions quotidiennes parfois, mais le vampire prenait cela uniquement comme le résultat d’un excellent dressage. Ou bien la peur d’une punition. Attribuer une autre qualité à une créature angélique serait pathétique. Après tout, Yahal était et resterait un ange.

Le verre de lait fut fini en silence, alors que le vampire ne jetait même pas un coup d’œil à son esclave. Tout ce silence lui faisait du bien, surtout après la soirée chargée. Il était vraiment fatigué. Peut-être était-ce à cause de cela qu’il avait esquissé un brin de conversation avec l’ange… Ou qu’il était allé jusqu’à lui offrir deux verres de lait. Un gâchis pour le bar et pour les recettes.

Il soupira et se leva, s’approcha calmement de Yahal et le prit dans ses bras sans même s’ennuyer avec la peur soudaine de l’ange, et se dirigea dans les escaliers d’un pas tranquille en disant simplement :

« J’ai faim. »

Le verre de sang n’avait pas suffit, et puis il n’avait pas le goût incomparable de Yahal.
Emportant son futur repas entre ses bras jusqu’à l’étage, il entra dans le petit appartement qu’il avait toujours gardé pour des soirées comme celles-ci, et quand il fut dans la chambre, il jeta l’ange sur le lit, sans douceur.
Il s’était déjà montré suffisamment gentil comme cela ce soir. Maintenant il était fatigué.

« Déshabille-toi ! »

Oui, Velkan était étrange ce soir, mais cela était sans doute dû à sa fatigue.
Du moins c’était ce qu’il voulait croire. Il refusait de penser qu’il devait quoi que ce soit à son ange après ce qui s’était passé. Après tout, ce n’était qu’un esclave, il avait fait son devoir, rien de plus.
Certes, Yahal n’était pas vraiment comme les autres, il était un parfait sujet d’expérience qui avait réussi. Il l’avait dressé avec patience et l’ange était devenu un esclave modèle. Et puis il l’avait tellement souillé qu’il n’était plus vraiment un ange. Enfin, pas totalement…

Et c’est peut-être pour cela que Velkan se montrait moins sévère avec lui… Peut-être… Mais il n’avait aucune envie de s’appesantir là-dessus.

Il emmena l’ange à l’étage, se sentant de plus en plus fatigué. C’était un épuisement las qui prenait son esprit et l’engourdissait. Une envie de se reposer plus forte que tout le reste.
Mais avant ça, il lui faudrait se rassasier. Son verre de sang n’avait absolument pas suffit.
Il jeta son futur repas sur le lit et lui ordonna sèchement de se déshabiller.
Il jeta un œil vaguement intéressé sur son ange qui obéissait avec sensualité, puis se tourna pour se déshabiller à son tour, avec une lenteur lasse, résultat de sa fatigue.
Quand il revint au lit, l’ange s’offrait, totalement nu, le cou offert, étrangement soumis ce soir-là.

Velkan fronça les sourcils, un peu étonné même si Yahal agissait souvent comme cela ces derniers temps. Il se pliait plus facilement à sa morsure et semblait même l’attendre. De la part d’un ange, c’était plutôt suspect mais Velkan chassa ces pensées de trop pour ce soir, et il s’assit sur le lit aux côtés de son esclave.

Il laissa sa main caresser ce corps si désirable, tellement sexy dans sa façon de s’offrir. Il passa sur le ventre fin puis remonta sur le torse ferme de Yahal, redécouvrant cette peau si douce.
Il n’avait pas vraiment de brutalité ce soir-là…
Sa fatigue était trop grande.

Alors il se contenta de laisser sa main vagabonder sur le corps pâle de l’ange, s’amusant de voir ses réactions, ses frémissements.
Cédant finalement à l’appel des corps, il s’allongea au-dessus de Yahal, se plaçant entre ses jambes qu’il releva légèrement. Il posa son regard clair sur son ange, étrangement serein ce soir-là, et finalement il laissa ses mains venir se poser sur le sexe de l’ange pour venir le masturber avec une douceur incongrue de sa part…

Une fois n’était pas coutume.