Boire pour oublier

Azazel était fatigué, ses pas étaient toujours aussi assurés et vifs mais son expression semblait encore plus dure que d'habitude. Cela devait bien faire deux jours qu'il n'avait pas dormi et qu'il ne s'était pas reposé, il était las, il avait laissé ses deux esclaves chez lui, qu'ils se débrouillent. Il s'était rendu dans la fosse commune où habituellement les esclaves étaient laissés et il y avait jeté le corps de l'ange que Baka avait tué, il se posait mille et une question, jamais il n'aurait pensé que son petit ange puisse faire quelque chose de la sorte... il était devenu complètement fou, il allait devoir le surveiller de près, mais bon, il avait Abel pour ça maintenant. Ses pas le dirigèrent au Sang pour sang, il ouvrit la porte et salua vaguement les autres vampires présent. Il leur jetta à peine un regard et il se rendit tout au bout du comptoire pour s'y asseoir avec un soupir las. Il y eut des regards curieux, puis quelques chuchottements... l'affaire avait due s'ébruiter à n'en pas douter. Peut-être n'aurait-il pas du venir ? Non, il ne devait pas se montrer faible, il poussa un grognement et fit un signe à Velkan pour qu'il le serve, il voulait boire un peu, il voulait oublier un peu ses soucis...

"AB positif Vek...merci." dit-il d'un air dur tout en lançant un regard mauvais aux autres vampires.

Vek... il l'appelait rarement ainsi, seulement lorsqu'il voulait lui parler sèrieusement, comme à un ami en somme. Il s'accouda au comptoire et les discussions reprirent leur cours normales. Le verre fut déposé devant lui et le dresseur le prit dans sa main avant de le soulever pour regarder sa couleur. Si rouge, si chaud... il porta le liquide carmin à ses lèvres et il vida le verre d'un seul trait. Le sang coula immédiatement dans sa gorge, et se glissa dans ses veines avant de lui monter doucement à la tête. Il ne dit rien et posa le verre en s'essuyant la bouche avant de le repousser vers le patron. Ce n'était pas assez, il en avait encore envie, l'image de Baka dansant nu dans le bar lui revint en mémoire. Quel ange stupide ! Pourquoi avait-il fallu qu'il gâche tout ! Toute sa vie durant il avait toujours tout donné pour être le meilleur, pour être respécté même si son père l'avait renié ! Il serra les poings et donna un coup rageur dans le bois du comptoire, idiot, idiot, idiot ! Pourquoi est-ce qu'il le gardait ? Pourquoi est-ce qu'il s'acharnait ? Parcequ'il savait que si Baka disparraîssait... ce serait pire encore, ce serait vu comme un échec... alors il l'avait gardé, il devait se ressaisir, il devait le dresser à nouveau. Mais peut-être que le travail avec Abel serait mieux... dans ce cas là, se débarrasserait-il de Baka ? Il ne savait pas, il n'avait pas envie de savoir et il ne voulait pas y réfléchir pour le moment. Il regarda Velkan avec insistance et montra son verre du doigts.

"Un autre."

Oui, c'était décidé, ce soir il allait boire. Il n'avait pas envie de finir bourré mais il voulait seulement se détendre, il en avait marre. Il faisait tellement d'effort et Baka avait tout ruiné... il vida une nouvelle fois son verre d'une seule traite et il le reposa sèchement sur le comptoire. Qu'allait-il pouvoir faire maintenant ? Il n'en avait aucune idée. Non, il ne voulait pas penser à ça. Il montra son verre une nouvelle fois, il en voulait encore. De toutes façon il pourrait bien de saoûler... il n'était pas du genre violent dans ces cas là, sauf quand on le cherchait trop.

"Un autre..." il soupira et il s'accouda avant de prendre son visage dans sa main.

Le sang coulait à flot dans en lui mais il en voulait plus. Sans trop savoir pourquoi il en sentait le besoin. Il n'avait pas non plus mangé depuis deux jours d'ailleurs, ça lui faisait du bien. Il tapotta le comptoire avec les doigts de sa main libre et il finit par reporter son attention sur son ami. Il le regarda avec le plus grand sèrieux du monde et il lui demanda sans détours :

"Alors ? Accouche, il se raconte quoi sur moi ? Soit honnête, où en est mon taux de popularité ?"

Il avait besoin de savoir. Son client avait dit qu'il ne lui en porterait pas rigueur mais tout de même, un ange était mort alors qu'il était sous sa responsabilité. Tout était de la faute de Baka, pourquoi avait-il fallu qu'il parle à un crétin d'ange ? Et pire, l'embrasser ! Mais qu'est-ce qu'il lui était passé par la tête à cet idiot ? Il ne comprennait pas pourquoi il était devenu ainsi... qu'avait-il bien pu faire pour mériter ça ? Il ne se considérait pas comme un mauvais maître... il était dur, c'était un fait, mais il ne fallait pas se montrer généreux c'était l'ouverture à tout et n'importe quoi. Alors il préféra demander d'abord à son ami ce qu'il avait entendu, être gérant d'un bar lui permettait d'entendre tout les commentaires après tout...

Le grelot du bar résonna dans la pièce bondée de clients attablés et Velkan releva son visage par simple habitude… Pour apercevoir un Azazel visiblement en colère qui se dirigeait droit vers lui, apparemment pressé d’avoir son verre de sang.
Velkan connaissait bien le dresseur des Enfers et ce dernier, à force de venir boire dans son bar, était devenu un ami, une sorte de complice. Azazel pouvait se vanter d’être peut-être le seul vampire des Enfers avec qui Velkan disait plus de trois mots, composait des phrases entière et semblait même s’intéresser à sa conversation. Bref, le seul avec qui Velkan se montrait sociable. Dans les limites de ce dont il était capable évidemment, on parlait quand même de Velkan.

Le gérant du Sang pour Sang sortit aussitôt un verre haut et le posa sur le comptoir, devinant sans peine le goût que prendrait Azazel. Il versa du AB+ et le dresseur était à peine assis qu’il posa le verre devant lui, n’attendant même pas sa demande qui tomba pourtant.

Velkan haussa un sourcil : ce surnom, Azazel ne l’utilisait que dans des circonstances particulières, quand son humeur n’était pas au meilleure de sa forme ou qu’il désirait lui parler. Le gérant soupira et dirigea son regard vers les deux vampires accoudés au comptoir qui riaient grassement. Ses yeux voulaient en dire long et l’un des compères, comprenant le message, entraîna aussitôt son compagnon vers une table éloignée, offrant un peu d’intimité aux deux vampires.

L’absence de Bak, qui d’habitude suivait son maître partout mit la puce à l’oreille de Velkan. Azazel l’avait-il tué ? Quel dommage, Velkan n’avait jamais vu d’ange aussi bien dressé… Une véritable petite merveille qui surpassait même Yahal… Mais Yahal avait d’autres côtés beaucoup plus intéressants que la mignonne petite poupée qui suivait partout le dresseur.

Velkan fronça les sourcils au troisième verre que demanda son ami. Azazel buvait plus que de raison ce soir, ce n’était pas normal. Il devait se passer quelque chose et le vampire en était de plus en plus persuadé. Il lui donna néanmoins les verres qu’il réclamait, quand Azazel tourna soudain un regard lourd sur lui et lui demanda ni plus ni moins les rumeurs qui circulaient sur lui.

Le brun eut une petite moue surprise : ainsi donc, il savait déjà… ?!
Depuis la veille, Velkan avait entendu pas mal de bruit dans son bar mais avait rejeté la plupart de ces rumeurs comme des non-sens, considérant qu’Azazel ne méritait pas d’être ainsi calomnié.
Mais si le dresseur venait le lui demander en personne, c’est qu’il s’était effectivement passé quelque chose, et cela réveilla sa curiosité.
Il eut un petit sourire narquois et répliqua calmement :

« Et moi qui croyait que tout cela n’était que tissu de mensonges… Mais pour que tu t’en préoccupes toi-même, c’est qu’il s’est bien passé quelque chose. »

Ses yeux remontèrent directement dans ceux d’Azazel et il l’observa pendant quelques instants, supportant et affrontant son regard avec fermeté, ne pliant face au dresseur exaspéré.
Puis un petit soupir s’échappa de sa bouche et il se rapprocha imperceptiblement du comptoir, comme lorsqu’il s’apprêtait à parler.

« Des histoires un peu folles circulent sur ton ange… Ce fameux Baka qui était ton chef-d’œuvre. Tu l’as tué ? D’habitude il te suit partout. »

Velkan tourna son regard sur la rangée de tables où les clients discutaient joyeusement, légèrement enivrés par le sang et il reprit, plus sérieusement :

« On raconte que tu lui accordes trop de liberté. On murmure qu’on aurait vu un ange réussir à passer la barrière des mondes. Les rumeurs vont vite sur ce propos Azazel, tu devrais faire attention. »

Il eut soudain un petit sourire étrange et ajouta, légèrement taquin :

« Quant à ta réputation de dresseur, je te rassure, elle est presque intacte. Et puis, un ange de plus, un ange de moins, ce n’est pas grand-chose n’est-ce pas ? A ta place je ne m’en inquiéterais pas…. »

(enfin le temps de poster ^^ désolé du retard... mais maintenant je serais plus présente ! nouvel ordi et connection chez moi Mouahahahaha ! !)

Oui, Azazel voulait savoir ce qu'il se racontait sur lui, les ragots, les commentaires, les moqueries... il se doutait qu'il devait y avoir de tout ça. Les vampires aimaient à se moquer du malheur des autres après tout, lui le premier de toute façon. Le premier verre était passé aussi rapidement que sa fin le lui dictait, il n'avait pas mangé depuis un moment après tout, le deuxième était pour se remplir la panse allègrement, mais à partir du troisième... c'était une tout autre histoire. Il n'avait pas envie de s'arrêter, il était ennervé, plus que ça même, il était en rage, surtout contre Baka et contre lui-même aussi. Il voulait savoir, il voulait savoir s'il allait devoir redoubler d'effort pendant quelques années ou bien s'il pourrait continuer comme il avait l'habitude de le faire avant.

"Crois ce que tu veux, ça n'as pas d'importance," répondit-il seulement à la première chose que lui sorti le tenancier du bar.

Quant à la suite... il l'écouta attentivement et eut un rire amère sans pour autant lâcher le regard de son ami. S'il avait tué Baka ? Il aurait du à la seconde où il l'avait retrouvé, lui-même ne comprennait pas pourquoi il s'était retenu. Pour le faire souffrir encore plus sans doute, parce que la mort était encore trop douce pour lui. Il ne savait pas très bien pourquoi il ne l'avait pas achevé sur le champ. Puis finalement le ton de Velkan se fit plus bas et les rumeurs quant à la fuite de Baka s'imiscèrent dans l'esprit du dresseur. Alors les gardes avaient laissés passer cette information ? Quel bande d'idiots en plus d'incapable. Ce qui le rassura pourtant fut que sa réputation était intacte pour le moment. Un léger soupir de soulagement passa d'ailleurs ses lèvres et il but d'un trait son verre avant de le repousser vers son vis à vis pour qu'il soit rempli de nouveau.

"Ces idiots... ils ne devraient pas raconter ce genre de choses," marmonna-t-il avant de dire un peu plus fort pour qu'on l'entende. "Surtout lorsque l'on sait que c'était un ange à demi-mort qui avait perdu une grande quantité de sang et qui ne tenait même plus debout..."

Et il se mit à ricanner avant de termine un autre verre pour en recommander un autre. Il était fatigué, le sang lui montait à la tête mais il allait encore bien pour le moment. Enfin, du moment qu'on ne venait pas lui chercher des noises il se tiendrait tranquille. Quant à la question que lui avait précédement posé Velkan... Baka... qu'allait-il faire de lui ? Le punir ? Ca ne servirait pas forcément à grand chose...

"Quant à Baka... malheureusement il va bien. Je l'ai laissé à la maison, je me suis acheté un lycan pour garder un oeil sur lui."

Il regarda le sang couler dans son verre et il le fit tourner, comme hypnotisé par ce dernier. Que devait-il faire de lui ? Il aurait beau le punir, ça n'avancerait en rien les choses. Il releva son visage vers le vampire en face de lui et le regarda un long moment avant de baisser de nouveau la voix, il voulait son avis.

"A ton avis... qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Où est on erreur ? Pourtant, j'était sûr d'avoir réussi..."

Il n'était pas en train de déprimer mais... presque. Ne pas avoir dormi depuis deux jours, avoir coursé jusqu'au champ de bataille, être allé chez le marchand d'esclave, être revenu, avoir fait le ménage et maintenant en être à son cinquième verre de sang... ça n'aidait pas vraiment à avoir toute sa tête.

La nuit était tombée depuis bien longtemps et c'était une ombre noire qui marchait nonchalamment dans les rues des Enfers. Marchant en tanguant un peu, ce pas si caractéristique, ce pas qui faisait que tous s'écartaient sur son passage.
Par crainte.
Par respect.

Sûrement pas le deuxième.

Le Chapelier venait fêter son rétablissement impromptu à sa manière. C'est à dire boire un bon coup de sang alcoolisé à s'en faire péter les veines.

Chaloupant entre les pavés, enfonçant ses talons sur le roc dur, il redressa son chapeau et s'affala sur la porte du bar qui s'ouvrit à la volée.

Mais qui voilàà...C'est ce cher moi..Bonsoir à Tous mes Agneaux..

Entrant à grands pas, il fit une révérence et se dandina jusqu'à un tabouret vide où il s'assit avec la grâce d'un phoque dans le désert.

Ses gambettes maigrelettes se croisèrent, ses boucles rousses et fanées frissonnèrent et ses doigts pianotèrent sur le bois dans un bruit incessant et terriblement énervant.
Mais telle était la première qualité du Chapelier. Être dérangeant.

Car il dérangeait par sa présence et ses manières mais aussi par son franc parler et ses paroles étranges qui sortaient trop souvent de bouches décharnées.
Il était dérangeant de se retrouver assit au côté du Premier, car tout en lui bouillonnait d'étrangeté et de bizarrie.

Même sa tenue, qui comparé au Chat aurait paru fade était peu conventionnel, mais si le Chat était les couleurs, le Soleil, lui serait le Noir et la Lune.

Alors il avait mit une jupe à fanfreluche des plus abominable, de la dentelle un peu partout, puis une espèce de corset loupé dont le corps blanc flottait dedans au point de ne serré que du vide, et pourtant , il semblait que c'était la plus petite taille.
Ses yeux maquillés de vert foncé et de noirs lui donnaient encore plus la fâcheuse tendance à être encore plus mort que mort. Et surtout, son inséparable chapeau de velours tellement délicat.
Mais le plus magnifique, était la botte à talon aiguille à sa jambes gauche et la simple chaussure à talons sur son autre pied.

Un superbe tableau. Digne des plus grand maître.

Recevant sans le demander son verre de sang.

Il le prit crispant ses ongles autour pour faire résonner un bruit très désagréable. Et le portant à ses lèvres pour le boire cul sec et le reposer violement.

Aaaahhhh...mon cher Velkan, mon petit Agneau....Toujours aussi bon....tu le puisse chez ton superbe ange..où ta toute nouvelle acquisition..??

Partant dans un grand rire, il s'écroula sur le comptoir tapant de son pauvre poing avec mollesse sur le bois. Pour autre que lui, ce spectacle était affligeant.
Mais le Chapelier se fichait de se que les autres pensait de lui..Il avait comprit que ses moutons depuis des années, n’étaient qu'un groupe de brebis galeuses. Même les anges.

Tous.

Tous sauf Un.

(Désolé pour la nulluté de ce post)

C’était bien la première fois que Velkan voyait Azazel dans cet état-là. Il savait qu’il était soucieux de sa réputation, mais à ce point-là, c’était assez incroyable.
Cependant le vampire ne fit nullement part de sa surprise et il garda un visage impassible, parfois orné d’un petit sourire ironique dont lui seul avait le secret.

Azazel était son ami, mine de rien. Et Velkan avait peu d’amis : alors il ferait en sorte d’aider le vampire, quoi qu’il ait pu lui arriver. Il se sentait même quelque part heureux que le dresseur soit venu vers lui pour parler un peu, au lieu de se morfondre dans son coin ou chez lui.
Décidément les anges n’apportaient que des malheurs : il en avait déjà fait la triste expérience, et même Azazel qui pourtant était réputé comme le meilleur dresseur des Enfers, venait de prendre un sacré coup avec la trahison de son propre esclave. Il le comprenait un peu : lui-même serait devenu vraiment violent si jamais Yahal avait commis une bêtise aussi grosse que celle de Baka.

Il remplit le verre qu’on lui tendait sans faire d’histoire, et haussa un sourcil intrigué quand Azazel lui avoua qu’il avait laissé l’ange en vie et qu’il avait acheté un lycan pour le garder. Il acquiesça en silence et répondit calmement :

« Tu as eu raison. J’ai l’impression que ces animaux ont parfois beaucoup plus de jugeote que ces imbéciles ailés. »

L’aversion que Velkan possédait pour les anges était célèbre et ses clients évitaient de lui parler de leur esclave en général, sauf pour raconter les tortures et autre sévices qu’ils leur infligeaient, ce qui avait toujours le don de faire plaisir au gérant du Sang pour Sang.
La question amère d’Azazel surprit Velkan : lui qui pensait que son ami avait plus de confiance en lui était cruellement déçu.
Il fallait éradiquer la race de ces monstres ailés quand on voyait le résultat pitoyable de leurs manigances et autres fourberies !

Velkan secoua la tête et se pencha par-dessus son comptoir, juste aux côtés d’Azazel. Cela l’ennuyait de voir son ami dans cet état. Le dresseur avait réussi avec le temps à se faire une petite place dans le cœur du gérant, aussi sombre soit ce dernier, et il n’aimait pas constater les dégâts qu’un simple ange avait commis sur le caractère de son ami.

« Allez, oublie ça. Ta réputation est intacte, c’est ce qui compte non ? Il m’a toujours semblé que c’était ce qui comptait le plus à tes yeux. Quant à cet ange… Je crois que quoi que l’on fasse, ces créatures s’arrangent pour nous compliquer la vie. Elles nous détestent c’est bien connu. Alors ne t’étonnes pas si elles profitent que tu laisses un peu de laisse pour t’étrangler avec. Ton Baka est mignon, mais tu ne devrais pas le considérer comme un être normal. Je traite Yahal à peine mieux qu’un chien et crois-moi, jusque là je n’ai jamais eu d’ennuis… »

Velkan avait peut-être une façon de s’exprimer un peu étrange, mais il avait toujours été comme cela : franc et direct, peut-être même un peu trop.

Le bruit de talons aiguilles claquant avec fermeté sur le sol lui fit relever la tête et il aperçut une silhouette familière entrer dans son bar… Le Chapelier Fou… Voilà un bout de temps qu’il ne l’avait pas vu… Il s’était même demandé s’il était encore vivant, mais force était de constater que oui.
Toujours aussi fou et étrange, mais bien vivant.
Quelques vampires dans la salle tournèrent leurs regards étonnés vers lui, suivant cette silhouette presque fantomatique qui atteignit avec une certaine difficulté le comptoir et s’affala sur un tabouret. Velkan remplit aussitôt un verre de sang qu’il déposa devant lui sans un mot, regardant l’étrange vampire millénaire d’un regard un peu inquiet.
Il était habillé d’une manière grotesque et se comportait toujours vulgairement, comme s’il n’y avait que lui sur terre, ce qui la plupart du temps faisait fuir ses autres clients.

Sa remarque ne fit rire que lui alors que Velkan soupirait, légèrement agacé, tout en lançant un regard à Azazel qui signifiait : « Tu vois, il y a plus malheureux que toi ici… »
Il remplit un nouveau verre et le déposa devant le Chapelier Fou :

« Cela faisait un bout de temps qu’on ne t’avait pas vu… Où traînais-tu donc ? On m’a raconté que tu avais été blessé, mais quand je te vois, j’ai du mal à le croire… »

Un rire amer perça la gorge d'Azazel lorsque son ami montra sa préférence pour les lycans plutôt que pour les anges. C'était un fait connu et avéré de tous après tout. Il était fatigué, il ne savait plus très bien ce qu'il voulait dire, ce qu'il pensait... le sang lui montait à la tête et tout son stress était en train de retomber et ainsi de le faire sombrer encore plus dans l'ivresse. Puis Velkan se pencha vers lui et tenta de le rassurer du mieux qu'il pouvait malgrés ce glaçon à la place de son coeur... Le dresseur l'écouta attentivement et ses yeux se plissèrent un peu plus à chacun de ses mots. Lorsqu'il eut enfin terminé, Azazel releva ses yeux saoûl vers le barman et il le fixa un long moment avant de répondre.

"Baka ne me hais pas... c'est tout le contraire... ce crétin m'aime. Tu te rend compte ? Cet idiot m'aime après tout ce que je lui ai fait... Non, ce n'est pas un être normal, c'est mon jouet, ma chose, ma poupée...c'est surtout un crétin sans cervelle incapable de se tenir tranquille ! !"

Et il but son verre d'un trait avant de le repousser vers le propriétaire du bar pour qu'il lui en reserve un. Il s'accouda au comptoir et posa sa tête dans la paume de sa main en se demandant s'il ne devrait pas aller dormir... il avait l'impression d'entendre des bruits de talons claquant sur le sol... il ferma les yeux et l'image de Baka trottinant derrière lui s'imposa à son esprit. Azazel grogna et secoua la tête avant d'apercevoir le Chapelier fou affalé contre le comptoir, encore un fou... tout comme celui qui avait sauvé Baka... Le vampire regarda leur aîné avec insistance et finalement ricanna en se retournant vers Velkan.

"Tiens ça me fait pensé... j'ai croisé un dingue en allant... enfin... tu sais... il avait l'air bien atteint lui aussi... c'est lui qui a soigné Baka, je ne sais pas comment il s'y est pris mais il avait l'air aussi puissant qu'il était fou."

De nouveau Azazel ricanna sans se soucier de la présence du Chapelier, ni du fait qu'il avait parlé de lui comme s'il n'avait pas été là. Il s'en fichait et il savait que le plus vieux des vampires s'en fichait aussi. Encore une fois le dresseur fit tourner le sang dans son verre à nouveau plein, comme hypnotisé. Il se demandait comment il allait faire pour Baka, il devait resserrer la vis, c'était certain, mais il ne voulait pas qu'il ai un nouvel accès de folie comme deux jours auparavant. C'était fatiguant de ranger derrière lui et d'aller le récupérer ensuite... quoique, la prochaine fois il le tuerais immédiatement. La vie de l'ange ne tenait plus qu'à un fil désormais et à la moindre incartade son maître allait se faire très violent, c'était certain.

Le sang coula dans sa gorge, lentement, chaud, presque brûlant, avec cette liqueur d'alcool au fond.
Presque comme du sang encore vivant.

Sa langue claqua sur son palais et il se perdit dans la contemplation du fond de son verre.
Rien ne valait plus la saveur du sang de ses deux angelots.

Mais c'était maintenant toujours avec difficulté qu'il ingérait le sang. Le buvant en petite quantité et attendant entre chaque goulée. Le sang ne passait plus.

Ca devenait dur, difficile de l'avaler. Sa gorge se relevait à chaque goutte et il était à tout recracher sur le sol.
Mais pas là...

Pas ici.

Personne ne devait savoir qu'il était devenu si faible.

Regardant le deuxième verre en face de lui, il prit sa voix fluette et posa son menton dans sa main en fixant Velkan...

Blessé..?? Moi? C'est impossible, n'oublieras tu pas qui je suis...Je suis le Plus grand et le plus Beau..L'invincible Berger de notre Troupeau égaré...

Puis pour prouver ses dires il avala d'un trait le deuxième verre, se retenant de tout recracher par terre tellement cela lui soulevait le coeur. Une perle de sang dégoulina le long de ses lèvres et le Chapelier la laissa s'échapper avant d'entendre les paroles du célèbre Azazel.

Un Ange...Un Dingue...Capable de soigné..Un Fou.

Mon dieu..il..Il était encore en vie. Il...

Le Chat..Le Chat..Sa Petite Souris qui l'attendait toujours. Cet Ange qui avait faillit face à son Prince.

Qui avait faillit...

Se levant d'un coup, les yeux bizarrement lucides, il empoigna le col de Azazel, et le plaqua contre le comptoir avec une force colossale, ses cheveux volant dans l'air et le tonnerre se faisant entendre.

Où Petit être insignifiant…où As tu croisé ce fou? Où as tu pu poser tes yeux sur sa Délicieuse Personne..?? Où..Dis le moi...Et tu pourras te vanter d'avoir donner dette au Chapelier Fou...

Ses doigts pressèrent son menton, relevant son visage pour plonger ses yeux clairs dans les siens.

Dis le moi....

Velkan faillit éclater de rire en entendant Azazel lui avouer que Baka l’aimait. Décidément, tous les anges n’étaient que des idiots ! Il fallait être un sacré pervers pour aimer son bourreau… Mais ça, Velkan le savait déjà, il savait que les anges ne méritaient pas d’autres appellation. Des pervers, d’ignobles créatures qui s’amusaient à rendre les vampires fous…

Il secoua la tête en voyant Azazel boire plus que de raison : il ne l’en empêcherait pas mais tout cela n’était pas bon. Après tout, le dresseur était son seul ami, et le voir réduit à cet état le mettait mal à l’aise. Décidément les anges n’existaient que pour leur pourrir la vie.

L’entrée du Chapelier fou fit un peu tomber la pression dans l’air et Velakn le servit en le regardant du coin de l’œil, surveillant ce client un peu particulier. Il était rare que le Chapelier reste calme, surtout dans son bar, alors il se méfiait… Il ricana en l’entendant se présenter comme le Berger du Troupeau et reposa le verre qu’il nettoyait, maintenant propre, en répliquant avec ironie :

« Pauvres brebis que nous sommes… »

Parce qu’avec un berger pareil, les moutons se dirigeaient droit vers le précipice !
Azazel observa quelques temps le Chapelier, comme si ce vieux fou avait une quelconque importance… Tout le monde ici s’amusait des frasques du Chapelier, sans vraiment y prêter attention. On le pensait fou, un peu sénile, et son attitude n’avait rien pour les contredire. Il était un peu comme un des tableaux accrochés au mur : vieux mais habituel. Alors personne ne faisait vraiment de cas de lui… On le respectait tout en se moquant de lui dans son dos…

Les paroles d’Azazel firent sourire Velkan, comme on sourit à un ivrogne. Le dresseur avait un peu trop bu visiblement, mais le barman ne lui dirait rien. Au contraire, son histoire était plutôt amusante et il allait lui demander pourquoi il n’avait pas ramené cet ange en Enfer quand le Chapelier se leva soudain et se précipita sur Azazel, l’empoignant par le col avec une force que plus personne ne lui soupçonnait. Velkan écarquilla les yeux, véritablement surpris mais se retint d’intervenir… Visiblement le Chapelier ne voulait qu’un renseignement. Il ne ferait pas de mal à Azazel, mais quand il vit sa main frêle serrer avec force le menton du dresseur, Velkan dit calmement :

« Pas de casse dans mon bar, je te préviens Chapelier. Azazel va te répondre mais ne sois pas violent, c’est inutile. »

Entendre Velkan prêcher la non-violence, c’était comme entendre un curé parler de la science avec extase… Ca n’existait pas.

Baka... Baka... tu as crut que je t'aimais aussi ? Mais seule la haine et le mépris existe en mon coeur mort qui ne bat que grâce à ton sang. Idiot, pauvre idiot qui pensait que peut-être il pourrait être aimé, mais jamais tu ne sera aimé, jamais personne ne t'aimera, tu n'est rien, et on ne peu pas aimer ce qui n'est pas. Tu pense qu'Abel t'aimera ? Je ferait en sorte que non, il t'est interdis d'être aimé, je le refuse, il en est hors de question. Abel te haïra, je ferais en sorte qu'il te haisse, il est mon nouveau chien et tu ne l'appitoiera pas sur ton pauvre sort. Je te hais, j'était tranquille, j'étais bien et il a fallu que tu gâche tout. Tout ça pour un baiser... idiot d'ange, jamais tu ne seras aimé, jamais tu ne connaîtra l'amour, j'en ai décidé ainsi et c'est ainsi que cela se passera.

Azazel vouait une haine sans nom à cet ange qui l'avait rendu fou l'espace de quelques heures, il allait le lui faire payer, il n'était pas dit qu'il laisserait ce crime impunis. S'il était ivre, c'était de sa faute ! ! Il ne faisait même pas attention à ce qu'il disait, ni même à la présence du chapelier à ses côtés, ne se doutant pas de l'effet qu'il lui faisait en cet instant précis. Il porta juste son nouveau verre à ses lèvres, voulant continuer à boire un peu avant de rentrer pour découvrir les deux êtres qui étaient en train de faire ami-ami. Mais il était hors de question que cette amitié reste bien longtemps, il allait briser ce lien dans l'oeuf, ils ne devaient pas y avoir de compassion, juste de la haine et du mépris entre ces deux êtres....

Occupé par ses pensées, le dresseur fut très surpris lorsque l'aîné de tous lui attrappa le col pour le plaquer contre le bar. Azazel écarquilla les yeux et posa ses mains sur les épaules décharnée du vampire millénaire. Comment un être aussi frêle pouvait avoir tant de force dans les bras ? Il le fixa droit dans les yeux, son regard ivre planté dans ceux lucide du chapelier, c'était réellement le monde à l'enver. La voix du vieux vampire s'éleva alors et le plus jeune mit un certain temps avant de comprendre ce qu'il voulait dire. Ce fou ? Il parlait de l'ange au ailes décharnées ? Il le connaissait ? Il voulait savoir où il était ? Jamais il n'aurait crut qu'un vampire tel que lui puisse vouloir savoir où se trouvait un ange... pourtant il se devait de répondre, il n'avait pas envie de mourir tout de suite...

"Où veux-tu que ce soit vieux débris ! Dans l'entre-deux tiens ! Je le vois mal se balader en enfer, reste à savoir si ta carcasse te trimballera jusque là," répondit-il sans retenue.

Il n'avait aucunement l'intention de se montrer poli comme il aurait put l'être en temps normal pour un vampire de son rang, il n'aimait pas la façon dont il lui avait demander et ne supportait pas de voir que ce tas de paille avait plus de force que lui. C'était invraisemblable, ce fou qui tenait à peine debout... pourtant il ne dit rien d'autre et tenta de se dégager en le fusillant du regard alors que déjà quelques clients quittaient les lieux avant qu'il n'y ai trop de casses, les autres restants pour admirer le spectacle possible du dresseur se faisant corriger.

"Lâche-moi vieux fou..." maugréa-t-il entre ses dents.

Le chapelier aurait une dette envers lui ? Mais il n'en avait rien à faire.... en tout cas pour le moment, il était bien trop ivre pour se rendre compte de ce que cela signifiait. Mais demain, oui, demain il se traiterais d'idiot et sourirait à l'idée d'avoir une dette de la part du vampire le plus important des enfers après le prince Lécifel.

Bien sûr qu'il n'était pas encore Mort. Il..il l'aurait senti sinon. Quel idiot il avait été.

Celui qui hantait ses jours et ses nuits était encore désespérément à sa recherche.
Pardonne moi...

Pardonne moi...

Il l'attendait toujours. Depuis des milles et des cents.

J'ai pensé à toi tellement de fois que même le ciel ne porte pas assez d'étoile.
Tu as trahit Ta chair. Tu as Trahit ce qui que tu avais de plus Cher.

Pour moi.

Pour ne serais juste entrevoir l'éclat luisant de mes yeux fous.

Et moi je...Et moi je t'ai abandonné à ce triste spectacle, me vautrant dans la Folie pour mieux m'y complaire et t’y oublier un tant soi peu.

Suis je encore digne de toi aujourd'hui...

Ne sais pas combien je souffre?

Est ce ton absence qui me tord les veines comme cela? Quel goût à ton sang?

Je veux savoir. Je veux te voir.

Te supplier de me pardonner encore et encore. Te lécher les pieds avec plaisir, embrasser tes chevilles.

Laisse moi..laisse moi te retrouver.

La réponse de Azazel ne surprit pas.

Quelle question idiote. Mais qui croirait qu'en entendant juste parler de toi je perdrais la raison.

Je t'en prie, Attends moi encore un peu. Juste un peu.

Comment nous retrouverons nous? Est ce que je devrais te sourire? Te pleurer? Te frapper?

Allons nous parler?

Pourquoi mon coeur bat si vite.

Repoussant Azazel, il le délaissa et sortit précipitamment du Bar. Ses chaussures se firent rapidement la malle et il courut pied nu dans la nuit noire, retroussant ses jupes en dentelles.

Attends moi..je t'en supplie..Atends moi juste encore un peu..et si il le faut j'irais te chercher jusqu'au Paradis.

Ses pieds s'écorchèrent sur les pavés et les vampires le regardèrent avec effarement.

Attends moi..Je t'en prie...

» Ogan Maleck ~strip teaser pour la boite de "Nuit"~